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Rapport Couty & 13 mesures de la Ministre Marisol Touraine : le commentaire de l’ADH
Rapport Edouard Couty et propositions de la Ministre de la Santé et des Affaires sociales :
Une démocratie hospitalière réaffirmée, qui doit s’appuyer sur la confiance accordée aux dirigeants hospitaliers
L’ADH s’est investie dans la réflexion initiée par la Mission Pacte de confiance, une démarche bien accueillie par la communauté hospitalière, tout en rappelant que les professionnels de santé aspirent à une plus grande stabilité de l’institution hospitalière, compte tenu des nombreuses réformes mises en œuvre ces dix dernières années : plusieurs lois sur la gouvernance, révision du modèle de financement, réforme territoriale…
Il était aussi nécessaire de s’atteler à la définition d’une forme de «démocratie hospitalière» qui, de l’usager au médecin, des partenaires sociaux à l’équipe de direction, rende cohérente et performante mais aussi bientraitante une organisation éminemment complexe : l’Hôpital public.
L’année 2013 s’annonce difficile pour les établissements publics de santé, tant sur le plan de l’équilibre budgétaire que sur le plan social. Dans ce contexte, les dirigeants hospitaliers sont préoccupés. Ainsi qu’ils l’ont toujours fait, ils mobiliseront leurs établissements pour atteindre les objectifs fixés, dans une contrainte particulièrement élevée, avec toujours la même volonté de faire résonner avec force les valeurs du Service Public Hospitalier. Dans le même sens, ils inscriront les établissements dans les réformes en voie d’être engagées, au titre du Pacte de confiance et de la Stratégie Nationale de Santé.
Mais pour les membres de l’ADH, faire l’inventaire de la loi HPST, c’est aussi tordre le cou aux mauvais procès fait aux directeurs d’établissements publics de santé d’avoir banni le dialogue dans leur exercice professionnel, alors qu’ils portent au quotidien des valeurs républicaines et humanistes, et agissent dans le cadre si complexe de l’animation du dialogue médico-économique et médico-social.
A ce titre, l’ADH a toujours soutenu l’évidente et précieuse collaboration entre Directeur et Président de CME, ainsi que Doyen dans les CHU. Dans le même esprit, l’ADH rappelle la qualité de la gestion dans la très grande majorité des établissements, qui gèrent efficacement et sans drame les deniers publics, malgré un environnement, il faut y insister, particulièrement contraint. N’oublions pas que 7 EPS sur 10 sont à l’équilibre, voire en excédent…et que le climat social dans les établissements, qui emploient près d’un million de personnes, reste généralement bon.
Aussi, les Pouvoirs publics peuvent-ils légitimement compter sur «les Directeurs d’Hôpital [qui sont] les interlocuteurs décisifs du gouvernement», selon les propres termes de la Ministre, pour déployer et conduire loyalement les réformes hospitalières décidées par le pouvoir politique.
Des orientations se dessinent plus précisément depuis lundi. Elles marquent des avancées positives mais soulèvent également des interrogations, parfois des inquiétudes de la part de la profession, que l’ADH tient à exprimer ci-dessous, en réaction aux 13 mesures retenues par la Ministre de la Santé et des Affaires sociales d’après le Pacte de confiance.
Des avancées importantes et attendues, qui reconnaissent l’engagement des professionnels hospitaliers…
► «La réintroduction du service public hospitalier », exauçant le vœu porté par l’ensemble de la communauté hospitalière.
► «La définition d’un service public territorial de santé », pour mieux articuler les coopérations et objectifs des rapprochements entre acteurs de santé ;
► «Une révision rapide, d’ici l’été, de la tarification à l’activité», plus soucieuse de la qualité des soins et davantage axée sur la prise en charge de la prévention ;
► «La relance et le financement des plans Hôpital Numérique et Territoires Numériques», en vue d’harmoniser et d’exploiter enfin les technologies de la santé dans l’hexagone ;
► «L’installation d’un comité technique des usagers dans les EPS», pour décloisonner la parole du patient et la rendre plus participative ;
► «Un bilan de l’organisation en pôle, confié aux professionnels», pour tirer les leçons de cette unité de référence de l’offre de soins hospitalière et permettre un ajustement équilibré de ces structures à l’échelle des institutions ;
► «Un observatoire national du dialogue social sera créé», pour mieux connaître et coordonner les pratiques locales sous forme de benchmarking vertueux, mais qui doit s’appuyer sur des outils et processus de collecte simples et facilement exploitables, y compris pour les établissements contributeurs… ;
► «Développement des contrats locaux d’amélioration des conditions de travail dans les hôpitaux», une initiative salutaire, utile pour appuyer la politique sociale des établissements de santé.
…des perspectives qui méritent attention afin de ne pas bouleverser les équilibres existants.
► «Des schémas régionaux d’investissement en santé élaborés par les ARS», qui ne doivent pas aboutir à une nouvelle forme de pouvoir régional qui entraverait l’autonomie des établissements et provoquerait des retards dans l’effort d’amélioration de l’outil hospitalier. Au contraire, ces SRIS doivent déboucher sur un programme majeur d’investissement, ne reposant pas que sur le recours à l’emprunt, au service de la modernisation du Service Public Hospitalier.
► «Des prérogatives des Commissions médicales d’établissement renforcées par décret», mesure positive dès lors qu’elle entérine l’usage du «co-pilotage» et de la «gouvernance éclairée» assurés entre Directeur et président de CME dans l’immense majorité des EPS, et surtout qu’elle permette d’impliquer davantage la communauté médicale dans son ensemble, au-delà des membres élus. Ces prérogatives seront légitimement assorties de responsabilités engageant les responsables médicaux aux côtés des chefs d’établissement, dont la capacité de décision doit être préservée, dans l’intérêt des hôpitaux.
► «Elargissement des compétences des CHSCT et création d’une composante médicale» Cette évolution soulève bien des interrogations, également au sein des communautés médicales. Elle doit être précisée car la situation de la représentation médicale recouvre des réalités très diverses selon les établissements et elle doit être axée sur les bénéfices attendus en termes de conditions et d’environnement de travail. En particulier, il faudra s’interroger sur le fonctionnement actuel des CHSCT, devenus souvent des instruments de blocage et non des instances de dialogue.
► «Des ARS mobilisées pour formaliser un volet ressources humaines en santé en appui de leur Projet régional de santé».
Il est légitime que le volet social soit abordé dans le projet régional de santé mais les prérogatives et responsabilités des acteurs de terrain, en particulier les chefs d’établissement, doivent impérativement être préservées. Dans le cas contraire, les ARS devront assurer la gestion directe des négociations sociales, recevoir l’ensemble des délégations des établissements, et assumer la responsabilité des décisions prises sur le terrain, ce qui s’apparente à de la gestion directe.
► «Une concertation avec les organisations syndicales sur la répartition entre échelon local et national des sujets de négociations» Cette promesse doit permettre aux établissements de santé de se doter de plus grandes marges de manœuvre pour garantir l’attractivité de leurs établissements, notamment en termes de rémunérations et d’incitations.
L’ADH souligne que les conséquences éventuelles en matière d’impact sur le financement des activités de soin devront être assumées à tous les niveaux, local et régional, notamment si ces négociations sont placées sous le pilotage ou l’arbitrage d’instances aux attributions révisées (conseil d’établissement notamment).
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Pour l’ADH, ces multiples enjeux requièrent
• une confiance réaffirmée dans le management assuré par les directrices et directeurs d’hôpital pour conduire de tels chantiers,
• une stabilité de leur cadre d’intervention,
• une pérennité des objectifs,
L’ADH demande que soient strictement limitées les réformes législatives ou réglementaires issues de ces concertations : la mise en œuvre des multiples réformes ces dernières années, parfois sans aucune évaluation des réformes précédentes, consomme une énergie considérable et fragilise, finalement, l’hôpital public, dont les équipes passent trop de temps à gérer des adaptations institutionnelles internes – dont la valeur ajoutée sur la qualité du système de santé reste parfois à démontrer.
Dans cet esprit pragmatique, républicain, convaincu et motivé, l’Association des Directeurs d’Hôpital continuera résolument à apporter sa contribution attentive aux concertations complémentaires qui rendront concrètes les dispositions annoncées, notamment dans le cadre de la Stratégie Nationale de Santé.
Le président et les élus du Conseil d’administration de l’ADH